Moi, c’est Cédric,
Parisien jusqu’au bout du slip, quarante ans et je croque la vie à pleines
dents.
Je bosse à la TV,
chez Arte pour être précis. Cette chaine
ayant un caractère culturel et international au sens large, et propres à
favoriser la compréhension et le rapprochement des peuples en Europe. Pour se faire,
nous diffusons régulièrement des docus sur la reproduction des couleuvres en
Australie ou des images lunaires datant de 1969. Faut avoir du temps. C’est
long.
Mais, j’aime
rapprocher les peuples.
Franchement, si je
peux me permettre, j’ai une belle carrière derrière moi et j’ai pas encore 40
ans. Celle qui m’attend est pas mal aussi. J’ai la win. Je fais que monter, monter. Ouh ouh arrêtez moi, les amis, ou
je vais finir président !!! Tout ça sans coucher of course. Ça m’aurait
pas dérangé mais ça couche pas trop chez Arte. Trop de mères de famille, je
pense. Bah oui, parce qu’avant j’étais dans le cinéma et là, croyez moi, pour
avoir, ne serait-ce qu’une boule de glace, fallait passer à la casserole. Même
entre collègues.
Bref, ma vie est
chouette.
Je vis avec
Anthony. Antho. C’est mon mec. Ça fait dix ans qu’on est ensemble, j’ai craqué
pour sa chemise blanche à rayures jaunes Dries Van Noten.
J’aime les marques. Et sa cravate en laine
verte. C’était l’époque de la
rue Saint Honoré.
Je dis pas non au
luxe.
Bon là, j’ai 40
ans, je me regarde dans le miroir et qu’est-ce que je vois ? Une ou deux
rides, des beaux yeux verts – oui, j’aime bien dire qu’ils sont vert même s’ils
sont plutôt marron clair. Si je me sens un peu canaille, je vais jusqu'à dire
qu’ils sont émeraudes. Au départ, c’était pour emmerder ma copine Marie qui a
les yeux d’un vert, on se croirait dans un lagon des îles Grenadines. La
salope ! Ça m’énervait tellement qu’on parle que de ses yeux verts. Mais
j’ai remarqué que si on dit les choses avec assurance, les gens, y vous croient. Sont cons les
gens !
Passeport ?
Yeux verts, merci.
J’aime le vert.
Donc, mes yeux sont
verts, j’ai un corps bien fait. Ça c’est véridique. Mes dix années de mercredi
à la piscine ont fini par payer. Je n’y allais pas pour reluquer dans les
vestiaires, moi. Et le vélo aussi. C’est bien simple le Vélib a été conçu pour
moi, merci Paris. Je suis contre les salles de gym et les habits moulants. Sauf
les shorts.
Je vis dans le
19ième depuis quinze ans. Les Buttes Chaumont qui montent, même pas peur. De
toutes façon, c’est pas moi qui fait du jogging, non plus. Moi, je vais à la
buvette du haut, c’est chiant à monter mais alors à descendre…comme les petits
galopins de Rosa Bonheur, ça glisse tout seul.
Les crottes de
chien de la rue Petit ? Je les évite en fermant, les yeux. Je pourrai être
l’aveugle de la rue Haut de Poule, tellement je connais par cœur mon chemin. Je
sais pas comment dire, Panam, c’est chez moi, c’est ma ville, mon berceau.
J’ai cependant bien
envie d’investir dans la pierre mais bon, je sais pas où crécher. J’aime La
France. J’hésite entre La Somme,
La Normandie, La Bourgogne, Le Cotentin, La Picardie, La Creuse. Je me donne
l’année pour explorer chaque parcelle régionale et promis, je me décide vite.
A Paris, j’ai ma
cops Julie et son mec Manu. Julie s’est ma copine de boules. De glaces. Ah les
années ciné ! C’était avec elle. Quelle paire on faisait. De boules de
glace. Elle était ma Binoche et j’étais son Carax. On s’est plus quitté depuis.
On a écumé les sols parisiens pendant dix bonnes années. Oui, on a inventé la choré au sol. J’ai pensé à
déposer un brevet, car vraiment, quel idée de génie. C’est comme le petit short
en jean. Tout le monde devrait en avoir un. Ça a commencé que Julie, elle se
défendait bien à la danse du cygne blessé ; alors avec Marie, ma copine
aux yeux verts, on a pris ça comme un défi et on a commencé à s’affronter sur
de la bonne musique. On avait la rage à l’époque.
J’aime danser.
Avec elles deux, je
me sentais bien dans ma peau. Dans mon short. J’aime pas les habits moulants:
sauf mon short. Celui-là, c’est un ticket gagnant pour le paradis. A chaque
fois que je le mets, tu peux être sûr qu’ils sont tous raides dingues de moi,
filles ou garçons, je te les prends tous. Un vrai attrape-mouches ce short.
Faut attendre quand même que minuit passe et là, c’est comme si tout était
incandescent, animé par de la magie vaudou.
J’aime être le
centre d’attention.
Bon, là, devant la
glace, je me demande si c’est pas fini ces conneries de choré au sol ?
J’suis vieux maintenant. J’aurai l’air con, non ?
Tiens, j’entends
Marie, comme si elle était là : « On avait déjà l’air con, mon poulet
à 30 ans sur Toutes les femmes de ma vie.
Alors 40, c’est pas pire, pas mieux. Par contre, si tu me demandes mon avis sur
ce petit short, j ‘préfère te dire que… »
STOP ! Pas le
short. J’aime trop mon short en jean.
Vraiment, 40 ans,
Eric, c’est un vrai tournant dans une vie - Eric, c’est mon journal – je voudrais être à la hauteur.
Julie, elle me dit, que j’ai pas à m’en faire, que tout me sourit, qu’il faut
pas avoir peur. Je sais pas trop quoi en faire de ses sornettes. Elle dit aussi
que trop de jean tue le jean. Elle parle de mon short ? Vas savoir ce
qu’elle entend par là.
Bref, j’ai 40 ans
aujourd’hui.